Entretien avec Mohammad Ali Inânlou (I)

Né en 1947, Mohammad ’Alî Inânlou (محمدعلی اینانلو) a vécu son enfance dans la tribu Shâhsavane. Il s’accoutuma donc très tôt aux champs ensoleillés et à l’air frais des vastes plaines. Alors qu’il n’était encore qu’un jeune homme, il se lança dans les activités télévisuelles et journalistiques. Toutefois, il ne s’éloigna jamais de la nature. Dans le domaine du journalisme, il a une expérience riche d’une quarantaine d’années et a notamment travaillé comme rédacteur en chef. Il a également animé plusieurs programmes radiophoniques dont "Bonjour l’Iran" et "Eté 69". En outre, il est connu pour avoir réalisé et produit plusieurs films documentaires dont L’Iran : un monde à la frontière unique, La Balance et Le tourisme au lieu du pétrole. Il a également réalisé des travaux publicitaires et manifeste un grand intérêt pour la recherche, le sport, et la photographie. Reconnu comme le fondateur de l’enseignement de l’écotourisme en Iran, il dirige actuellement l’Institut Nature ainsi que le Club de l’Art et de la Nature.

 

Farzaneh POURMAZAHERI : Que pensez-vous des conditions actuelles de production des films documentaires en Iran ?

Mohammad ’Alî INÂNLOU : La situation est en train de s’améliorer. A vrai dire, ce genre cinématographique n’est pas bien accueilli par un grand nombre de spectateurs. Etant donné la faible perspective de gain, il faut en général attendre qu’un organisme, par exemple une chaîne de télévision passe une commande. Cela arrive cependant rarement, d’autant plus que la production des films documentaires est une activité coûteuse et qui n’intéresse pas les réalisateurs du cinéma. Il reste à souhaiter que cette situation s’améliorera grâce à l’association des producteurs et réalisateurs de films documentaires qui existe depuis deux ans. A titre d’exemple, cette année, au onzième festival de la fête du cinéma, les films documentaires ont désormais été présentés dans une section indépendante.

F.P. : Le problème concerne-t-il seulement le budget ou bien existe-t-il d’autres obstacles ?

M.A.I. : La question principale est celle du budget. Mais il faut aussi ajouter que la production de films documentaires est un travail qui exige beaucoup d’énergie et d’effort. Pourtant, beaucoup de réalisateurs aiment bien ce travail.

A.P. : Vous qui avez fait l’expérience des milieux de la télévision, de la radio et de la presse, au travers duquel de ces médias avez-vous le mieux réussi à transmettre votre message ?

M.A.I. : Puisque la télévision attire la majorité des gens, elle a eu une plus grande influence que les autres médias sur le public.

F.P. : Dans quel but faites-vous des documentaires ? Quels sont vos sujets préférés ?

M.A.I. : Je ne suis pas réellement un réalisateur de films documentaires, étant donné que je n’ai pas vraiment trouvé le temps pour me lancer professionnellement dans cette activité. Si j’en ai réalisé quelques uns, ce ne sont pas des films que je peux moi-même appeler des "documentaires" au sens propre. Je me définirais plus précisément comme un "documentaliste". Cela veut dire que je cherche, je trouve, j’examine et j’enregistre officiellement et très rapidement des espèces animales ou végétales en Iran de peur qu’elles ne disparaissent. Le lion, le tigre et la panthère d’Iran ou bien la citadelle de Bam en sont quelques exemples. J’ai donc l’intention de les enregistrer pour que les générations à venir les protègent - ou ne les oublie pas.

A.P. : Nous avons entendu dire que vous avez exploré tous les recoins de l’Iran, et parcouru des distances équivalant à cinq fois le tour de la terre. Est-ce vrai ?

M.A.I. : Oui, avec chacune de mes voitures je parcours 400 000 kilomètres puis je la mets de côté. Pourtant, je garde toutes mes voitures parce qu’elles me rappellent des souvenirs inoubliables de ces voyages. Jusqu’à aujourd’hui, j’ai une collection de huit voitures… J’ai donc parcouru 3 200 000 kilomètres dans ce pays. Bien sûr, il m’est arrivé de me rendre sur un même lieu à plusieurs reprises.

A.P. : Quels sont vos sujets préférés dans votre travail ?

M.A.I. : Je travaille sur l’histoire, l’homme et la nature. Autrement dit, je m’occupe des héritages culturels et naturels. L’héritage culturel se divise en deux catégories principales : celui qui se rapporte à des monuments historiques et celui qui concerne la culture et les mœurs, tels que la tradition et la langue.

F.P. : Quelle différence faites-vous entre la mise en scène et le tournage d’un film documentaire et ceux d’un film de fiction ?

M.A.I. : Auparavant, je l’ignorais. Un jour, Ebrâhim Hâtamî Kîâ m’a invité à collaborer dans son film Haute Altitude. J’ai accepté car je souhaitais comprendre comment fonctionnait le monde du cinéma. "En ce qui me concerne, je n’aime pas avoir quelqu’un sur le dos quand je travaille", ai-je dis à Hâtamî Kîâ, et j’ai ajouté : "Je serai à tes côtés lorsque tu travailleras, mais je ne serais jamais un importun". J’ai donc été tout le temps avec lui afin de voir de près comment il travaillait. J’allais entreprendre un nouveau projet de film, alors je désirais en savoir davantage. Après le tournage de la dernière scène de Haute Altitude, alors qu’il faisait nuit, il m’a demandé à quelle conclusion j’étais arrivé, ce à quoi j’ai répondu : "Je crois qu’il vaut mieux que je ne réalise pas mon projet cinématographique moi-même". Il m’a alors demandé la raison, et je lui ai expliqué qu’à mon avis, le cinéma était très cruel tandis que mon travail ne l’était pas autant. En fait, la nature du travail l’exige. Pour vous donner un exemple, au moment du tournage de ce même film, l’une des actrices jouant un second rôle était sérieusement malade au point qu’on l’avait amenée sur le plateau de tournage sur un brancard. Elle devait jouer son rôle à tout prix, bien que sa présence n’ait pas été si importante. Même dans le cas du décès d’un acteur, on est obligé de le remplacer le plus rapidement possible. Quant à moi, je ne peux pas supporter voir le malaise des autres. Dans une situation pareille, je suis pris de pitié. Bien sûr, je suis très sérieux dans mon travail au point qu’il m’est arrivé par fois de me fâcher sérieusement avec mes assistants ! Quoiqu’il en soit, un projet cinématographique coûte très cher, alors que pour nous, si notre travail est interrompu, nous ne subissons pas tant de pertes et ne sommes pas autant sous pression.

A suivre ...

 

La Source: teheran.ir 

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