Entretien avec Mohammad Ali Inânlou (II)

A.P. : Vous vous êtes récemment lancé dans la réalisation et la mise en scène du film documentaire L’Iran : un monde à la frontière unique. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet ?

M.A.I. : C’est un grand projet réalisé en collaboration avec les Nations Unies. Nous possédons en Iran près de 1 200 000 de monuments historiques. Des hommes sont venus peupler la Perse il y a environ 100 000 ans. Nous avons également une richesse climatique et géographique, favorisant une diversité de la faune et de la flore : l’Iran abrite ainsi plus de 500 espèces d’oiseaux, plus de 160 espèces de mammifères et plus de 8 200 espèces végétales. D’un point de vue anthropologique, la présence de nombreuses traditions et de diverses tribus souligne la richesse de la civilisation persane. Ce pays est donc à lui seul un véritable "monde". Voilà la signification de L’Iran : un monde à la frontière unique.

F.P. : Quels sont les éléments caractéristiques de la faune iranienne par rapport à celle d’autres pays ?

M.A.I. : La faune de l’Iran est étroitement influencée par son climat. Comme nous avons des climats variés, la faune et la flore iraniennes sont diverses. Les 8 200 espèces végétales présentes dans notre pays dépassent le nombre de celles présentes dans toute l’Europe. Il faut aussi souligner la diversité de la faune animale. Des espèces animales iraniennes aussi bien qu’asiatiques, européennes et africaines cohabitent sur le territoire iranien.

A.P. : A votre avis, quand sera-t-il possible de réaliser un film documentaire de longue durée dans l’espace et sur ses planètes ?

M.A.I. : Quand l’homme aura lui-même la possibilité de s’y promener. Nous sommes déjà parvenu à enregistrer quelques films. Mais ce n’est pas encore d’actualité pour le cinéma iranien. Selon le professeur Von Brown, le père de l’astronautique, nous n’avons pas autant travaillé sur la terre que sur l’espace, et n’avons pas non plus exploré de façon suffisante le fond des mers. A ce sujet, l’un de nos plongeurs internationaux, Kâzem Bâyrâmbakhsh, a réalisé des films précieux sur les merveilles du fond des océans. Cependant, de façon générale, ce n’est pas seulement la question du budget qui nous empêche de réaliser de tels films, mais aussi celle du manque de spécialistes sur ces questions.

F.P. : Parmi les gens de la société, quel groupe s’intéresse mieux à la nature ?

M.A.I. : Tout le monde part à "Sizdah Bedar [1]", mais ceux qui se servent consciemment de la nature sont ses vrais amis. Des étudiants comprennent la majorité des protecteurs de la nature, sans tenir compte de leur sexe. Pourtant, les filles sont plus intéressées. En tout cas ils doivent être éduqués.

A.P. : Après avoir vécu tant d’années dans la nature et pour la nature, qu’est-ce qu’elle vous a appris ?

M.A.I. : La réponse exigerait la rédaction d’un livre ! J’ai beaucoup appris de la nature. Tout ce que la nature nous enseigne peut être appliqué dans la vie quotidienne à condition que nous essayions de bien la comprendre. La nature nous transmet des messages. Le vent, la pluie, la brise, le feu, la forêt, le ciel, l’eau… tous communiquent à leur façon. A titre d’exemple, pouvez-vous faire du feu ? Si vous prenez une seule bûche en vue d’allumer un feu, vous ne réussirez pas même si vous versez un litre de pétrole ou que vous utilisez plusieurs boîtes d’allumettes. Il en faut absolument une paire. Si les deux sont très loin, elles s’éteindront l’une après l’autre. Par contre, si elles s’emboîtent, les deux bûches vont se suffoquer. C’est en les mettant à une distance convenable qu’elles vont se transmettre de l’énergie et s’allumer. Dans le domaine des sentiments, les hommes ressemblent à cette paire de bûches : pour deux êtres humains ayant n’importe quelle relation, il faut une distance logique.

F.P. : Avec quels instituts et organisations étrangers avez-vous déjà collaboré ?

M.A.I. : Jusqu’à maintenant, je n’ai collaboré avec aucune organisation située hors du pays. Mais je sens désormais la nécessité de développer davantage mes activités à l’extérieur de l’Iran.

A.P. : En tant que fondateur du premier institut d’écotourisme en Iran, l’Institut Nature, pouvez-vous nous présenter brièvement le but de cet institut et ses activités ?

M.A.I. : L’institut Nature a été fondé par une équipe spécialisée, sachant parler de la nature et l’utiliser en la respectant. L’Institut Nature est le premier institut d’enseignement de l’écotourisme en Iran et a été inauguré en 2002. Le but est d’éduquer les personnes souhaitant travailler comme guide professionnel dans la nature. De nombreux cours y sont dispensés et beaucoup de ses diplômés travaillent actuellement dans les agences de voyages les plus renommées en Iran. Cet Institut est également un centre de recherches sur la nature et le plus grand projet de cet équipe est actuellement la réalisation de L’Iran : un monde à la frontière unique dont je vous ai parlé. De plus, l’institut organise des voyages au sein de l’Iran. Grâce à ces voyages, les gens apprennent à découvrir la nature tout en la respectant. Bref, nous mettons en place des excursions dans la nature axées sur l’idée de développement durable. J’ai d’ailleurs l’intention d’en faire une discipline universitaire, mais j’ai besoin de personnes qualifiées et sur qui je puisse compter. D’autres instituts d’écotourisme ont été créés après le nôtre et déploient d’autres activités intéressantes dans ce domaine.

F.P. : Comment vous est venue l’envie de travailler dans ce domaine ?

M.A.I. : Je suis né dans la tribu Shâhsavane, qui est établie au pied de la montagne de Sabalân. Jusqu’à l’âge de 9 ans, je n’avais jamais vu aucune ville. Donc quand je suis allé pour la première fois à Téhéran, j’étais étonné de voir tous ces bâtiments et voitures. Ensuite, j’ai effectué mes études primaires et secondaires dans un milieu urbain, mais ce qui me plaisait réellement était la nature : les arbres, la terre, la montagne, le désert… Je me sentais davantage compatible avec la nature et je lui ai donc consacré mon existence.

A.P. : Comment définiriez-vous l’art de connaître la nature ?

M.A.I. : Parallèlement à l’Institut Nature, j’ai fondé le Club de l’Art et de la Nature. L’idée m’est venue à l’esprit quand je voyais que les photographes confondaient l’image de la vraie nature avec un paysage. Un paysage est une partie coupée de la nature tandis que la nature se manifeste dans ses plus petits détails. Quand vous vous penchez sur ses détails, vous pouvez trouver des merveilles cachées dans une simple petite fleur. Vous ne pouvez pas non plus imaginer à quel point la structure du corps du moindre insecte est extraordinaire. Par sa couleur, par sa forme, par la finesse de ses jointures. Lorsque vous observez cet insecte sous le microscope, vous restez bouche bée. Voilà ce qui signifie l’art de connaître la nature. Des jeunes souhaitant apprendre cet art de la découverte participent à ce Club. J’aime beaucoup que les jeunes gens y viennent apprendre cet art de communiquer avec la nature pour ensuite s’en servir concrètement.

F.A.P. : M. Inânlou, la Revue de Téhéran vous remercie de nous avoir accordé votre temps pour cet entretien.

M.A.I. : Merci à vous et à la Revue de Téhéran.

 

La Source: La Revue de Téhéran

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