Entretien avec l’auteur iranien contemporain Mohammad Tolouei (I)

Presentation: Né en 1979 à Rasht, Mohammad Tolouei est un romancier, poète, traducteur, dramaturge et scénariste iranien. Il détient un baccalauréat en cinéma et une maîtrise en littérature dramatique de l’Université de Téhéran. Il a publié en 2003 un recueil poétique, Khâterat-e bandbâz (Mémoires de l’acrobate) et son premier roman Ghorbâni-e bâd-e movâfegh (Victime du vent favorable) en 2007, ouvrage qui a remporté le prix Fardâ du meilleur roman technique de l’année. Réputé pour son écriture de nouvelles, Tolouei a publié ses nouvelles sous le titre de Man Janette nistam (Je ne suis pas Janette) en 2011, qui a remporté la 12e édition du prix littéraire Golshiri.

Tolouei appartient à la nouvelle génération émergente de romanciers et de scénaristes iraniens, marqués par le style transitif d’une écriture libérée de la tradition et caractérisée par la nouveauté dans le récit et la forme. Souvent considéré comme le porte-parole de la classe moyenne urbaine doté d’une bonne maîtrise de l’histoire et d’une conscience aiguë de l’espace, Tolouei attire l’attention notamment grâce à son traitement original des métiers singuliers, dont il maîtrise magnifiquement le jargon. Ses nouvelles se caractérisent par leur diversité, nouvelles dans lesquelles il sonde un monde de citoyens invisibles et d’habitants souterrains : des antiquaires, des joueurs de backgammon, des chanteurs d’opéra, des partisans communistes, des toxicomanes, ou encore des combattants volontaires. Depuis son premier roman consacré aux habitants de Rasht durant la Seconde Guerre mondiale, à l’émigration forcée de réfugiés polonais par l’Iran, et à la formation du Parti communiste en Iran, il a parcouru un long chemin, en ayant notamment recours au faux documentaire comme technique narrative dominante. Il se considère lui-même comme un disciple de Jorge Luis Borges et de Mario Vargas Llosa, tandis qu’un critique américain a comparé l’audace de son style à celui de Martin Amis. Précisons qu’une sélection de ses poèmes et nouvelles a été traduite en anglais. Outre les prix cités plus haut, Tolouei a également remporté le prix du meilleur scénario du 16e festival du Film de Shanghaï en 2013, le premier prix littéraire de Boushehr, le 2e prix des Nouvelles iraniennes à Mashhad, et enfin le 1er prix du 11e Festival du Théâtre Varsity à Téhéran.

 

Vous vous êtes essayé à différents genres littéraires. Quelle est votre conception du fait d’être écrivain et de l’acte d’écrire ?

À mon avis, l’écriture est une aptitude qui repose sur la pratique. Suffisamment de pratique permet d’écrire dans un style acceptable. Donc, contrairement à ceux qui croient que l’écriture demande un talent particulier, je pense que l’entraînement littéraire joue le rôle principal. Si l’on exclut la poésie, l’écriture, surtout celle de nouvelles, dépend directement de l’enregistrement de mots convoqués en cas de besoin. On ne devient pas écrivain avec seulement dix ou quinze ans d’expérience de vie. Un écrivain le devient véritablement vers 30 ou 40 ans, excepté pour les grands écrivains. Je pense donc que la notion d’écrivain jeune n’existe pas dans le domaine de la littérature, contrairement aux autres disciplines.

Dans quel cadre écrivez-vous des scénarios et pièces de théâtre ?

J’ai composé quelques pièces de théâtre qui ont été mises en scène dans le cadre du Festival du théâtre de Fadjr. De même, quelques-uns de mes scénarios ont été adaptés pour le cinéma, mais je ne me considère pas comme un scénariste. Un bon et talentueux menuisier n’a pas besoin d’assister à des cours de menuiserie ni d’apprendre à reconnaître le bois dont il a besoin. Chaque écrivain manie la langue différemment d’un autre et ce n’est pas seulement affaire de savoir ou de goût. L’écriture ressemble à la menuiserie, toutes deux étant des habiletés qui s’acquièrent. Ainsi, l’écriture est la somme de deux acquis : un lexique enrichi par de solides lectures littéraires, et la capacité de mobiliser ce lexique à volonté.

A mon avis, ce livre n’est pas une collection de récits banals et sans liens ; au contraire, la quasi-totalité des nouvelles de l’ouvrage est liée et ne s’achève pas à un point précis. Cette façon d’écrire a été expérimentée par de nombreux écrivains et n’est pas quelque chose de nouveau. J. D. Salinger [5] y a eu recours. De même, Gabriel García Márquez [6] nous présente des personnages dans son livre Des feuilles dans la bourrasque [7], personnages qu’il transfère ensuite dans son roman Cent ans de solitude. L’un de thèmes majeurs des nouvelles liées est la redondance des personnages et des lieux.

Pour moi, Je ne suis pas Janette ressemble à un album photo agrémenté de dialogues percutants et d’un regard atypique ; comme si l’image de chaque personnage ou de chaque histoire courte était mise à la disposition du lecteur. Cette dimension photogénique a peut-être d’ailleurs influencé mes scénarios. Bien que j’écrive mes scénarios pour le réalisateur, les acteurs, le cameraman, etc., quand je commence à écrire, je ne pense plus aux lecteurs mais seulement à moi-même. A ce moment, ce que le lecteur pourrait retenir du texte n’a pas d’importance pour moi. En outre, bien qu’il existe des relations entre le cinéma et la littérature, cette dernière se distingue cependant par le fait qu’elle peut traiter plus en profondeur les intentions intérieures et l’espace extérieur des personnages.

A suivre ....

La source: teheran.ir

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