La question de « l’ethnicité » dans l’École : essai de reconstruction du problème

Les difficultés de certains élèves dans l’École sont de plus en plus souvent évoquées en termes d’« ethnicité », notamment pour ceux d’entre eux qui rejettent la scolarité en s’appuyant sur des « affirmations identitaires ». Ces « affirmations ethnicisées » constituent l’une des formes de réaction développées par des adolescents face à un sentiment de relégation, lui-même exprimé en termes ethnicisés. L’article analyse ce processus d’opposition identitaire dans son contexte de confrontation entre les différents univers de socialisation des jeunes. Plusieurs idées de sens commun sur « l’ethnicité » sont ainsi déconstruites : la perception ethnicisée des difficultés scolaires n’est pas seulement le fait de jeunes issus de l’immigration, mais plus largement d’élèves de milieux populaires ; elle est moins un problème spécifique qu’une conséquence des difficultés d’appropriation des savoirs ; elle n’est pas seulement importée dans l’École : celle-ci participe à son émergence quand elle focalise l’attention sur la question de l’ethnicité, notamment en valorisant les « origines » des enfants et en ne proposant pas aux élèves d’autres catégories pour les aider à penser la distance qui les sépare de la culture scolaire ; « l’identité » des élèves n’est pas figée par les « origines », l’École contribue à son développement ; le rejet ethnicisé des apprentissages n’est pas une fatalité.

Depuis quelques années se multiplient des discours qui font de la question de « l’ethnicité » une grille de lecture incontournable pour comprendre la société française et ses institutions éducatives. C’est plus particulièrement le cas dans l’École1 et des dispositifs comme les classes-relais, où sont orientés les élèves les plus dérangeants. Qu’ils soient fascinés par ce qui est appelé « métissage » ou qu’ils traduisent la crainte que des « affirmations identitaires » n’envahissent l’École, ces discours de sens commun2, construisent ainsi un nouveau « problème social »3, désigné par des expressions telles que « manifestations identitaires des élèves », voire « communautarisme à l’école », dont la société française ressentirait l’émergence. L’utilisation de ces catégories de sens commun est inévitable : pour désigner une difficulté jugée nouvelle, les discours ont besoin de mots, actualisés ou pas, mais ceux-ci ne sont jamais neutres car ils définissent le problème social en attirant l’attention sur certains aspects et déterminent donc ce qui en est pensé et les actions mises en œuvre.

Tout lire: https://journals.openedition.org/sejed/109

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