LES SAVOIRS DU CORPS de Pierre ARNAUD

L'éducation physique traverse une crise d'identité.

Elle est déchirée entre différentes conceptions, éparpillée en techniques variées, envahie par la pratique sportive, voire confondue avec elle, et il paraît plus difficile que jamais de savoir quelles sont ses finalités.

Bref, elle est à la recherche de sa spécificité.

Est-il même possible d'attribuer des finalités à une discipline dont la place est contestée dans le système scolaire ? Ce sera notre préoccupation essentielle au cours de cette étude.
D'aucuns pourront s'étonner de ce pessimisme, l'éducation physique n'est-elle pas une discipline dont la pratique est obligatoire à l'École ? Cette obligation n'est-elle pas antérieure à l'obligation scolaire elle-même.

Et cette ancienneté ne prouve-t-elle pas qu'on avait une vision claire de ses objectifs ? En fait, elle contribue au contraire à brouiller les idées.

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A l’origine, c’était un généraliste et, à ce titre, il se proposait de développer dans l’enfant un certain nombre de qualités qui lui permettraient de s'insérer dans la vie sociale, tout en améliorant sa santé.

La connaissance de l'enfant était aussi importante que celle de la "méthode" utilisée.

Le contenu de la "leçon de gymnastique" ou du programme annuel était défini après une analyse scientifique, essentiellement anatomo-physiologique, qui ne retenait de l'action que ses aspects dynamique (le mouvement), énergétique (I'effort), utilitaire (la débrouillardise), esthétique (forme du mouvement et position).
Puis, les activités physiques se socialisant en même temps que se développait la pratique du sport de performance et du sport de loisirs, une révision des contenus de l'éducation physique s'imposait.

Devant la multiplication et l'influence de nouveaux savoir faire sportifs, le professeur généraliste se transforme en professeur polyvalent et devient un pourvoyeur de techniques, un "poly-technicien" du sport, dont la tâche prioritaire est de maîtriser la matière d’enseignement sous ses aspects biomécanique et bio-énergétique.

Les buts de l'éducation physique sont oubliés au profit des procédures les plus efficaces pour faire acquérir des habiletés gestuelles.

Le sport, plus qu'un moyen d'éducation, devient une fin et se confond avec l'objet technique de l'apprentissage.
Tant que les techniques ont été peu nombreuses, peu élaborées, le professeur a pu faire face et assurer avec compétence sa tâche d’initiateur-instructeur.

Mais cela se faisait au détriment de sa connaissance des sujets et de leurs besoins: en devenant technicien, il était de moins en moins pédagogue.

De nos jours, la prolifération des spécialités et la très haute technologie des savoir faire rendue possible par l'accumulation des travaux scientifiques sur la préparation des athlètes, font que les maîtres ne peuvent plus être polyvalents de façon efficace.

Mieux, leur compétence est mise en doute par les véritables techniciens que sont les moniteurs, instructeurs, éducateurs sportifs spécialisés du secteur fédératif.

Il s'ensuit qu’actuellement le professeur ne satisfait ni à sa vocation première de généraliste (former des hommes aptes à s'insérer dans la vie sociale), ni à celle de polyvalent (préparer des jeunes à la pratique sportive en vue de contribuer à la formation de futurs champions.
Les tentatives plus récentes pour former des professeurs spécialistes ne font qu’accentuer l’ambiguïté du rôle de l’éducation physique scolaire et entretenir la confusion sur la question des secteurs professionnels de compétence.

Véritable abeille butinante dans le champ des techniques, le professeur d'éducation physique polyvalent a souvent un statut plus proche de l'animateur que de l’éducateur.

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Arnaud, Pierre. Les savoirs du corps: éducation physique et éducation intellectuelle dans le système scolaire français. FeniXX, 1991.

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